
Dans un article pour le quotidien français « Le Monde », le médecin et écrivain tunisien Mohamed Salah Ben Ammar revient sur une citation attribuée à l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger. Ce dernier aurait demandé le numéro de téléphone de la Ligue arabe alors que la population de Gaza était sous les bombardements. Ben Ammar évoque également l’arrivée des survivants du massacre de Sabra et Chatila en 1982 à Tunis, suggérant une analogie avec la situation actuelle à Gaza, où le nombre de victimes dépasse les 15 000, avec 60 000 blessés et près de deux millions de déplacés, se demandant désespérément : « Où sont les Arabes ? »
Selon l’écrivain, la presse israélienne, notamment le journal de gauche « Haaretz », rapporte en coulisses que de nombreux dirigeants arabes encouragent Israël à poursuivre ses opérations militaires jusqu’à l’éradication complète du mouvement de résistance islamique (Hamas) et des restes des Frères musulmans. Ben Ammar souligne l’absence de consensus entre les dirigeants arabes depuis 75 ans sur les choix stratégiques dictés par la vie de chaque enfant palestinien.
Bien que l’écrivain ne doute pas de la sincérité des sentiments du « peuple arabe » envers les « frères » palestiniens, il estime que les Arabes trouvent un exutoire dans le drame palestinien. Cependant, le flux de solidarité, sans dépasser le stade de la compassion, semble inconfortable. Face aux images choquantes de Gaza, le citoyen ordinaire oublie les obstacles à la liberté, à la pauvreté, comme s’il considérait sa propre situation comme meilleure que celle de ses frères privés d’eau, de nourriture et de médicaments.
Ainsi, la tendance à la résignation se renforce inconsciemment dans le contexte de la tragédie palestinienne, comme si les peuples arabes avaient adopté le dicton célèbre : « Quand je me regarde, je m’attriste, mais quand je me compare à autrui, je trouve du réconfort. »
Par conséquent, la tragédie palestinienne devient une sorte de drame régional, alimentant la désinvolture désespérée qui invite au désespoir. Dans un climat de désespoir généralisé, le moindre geste en faveur de la Palestine devient un acte héroïque, même s’il se limite à l’envoi de quelques aides alimentaires, à l’accueil de groupes de blessés de guerre, ou même au port du keffieh lors de réunions en tant que geste symbolique susceptible d’éveiller la sympathie. Aucune action constructive, selon l’auteur.
L’écrivain conclut que la situation actuelle ne peut que conduire à des catastrophes plus grandes. Les dirigeants machiavéliques ont intérêt à prolonger ce conflit, car chaque guerre offre une opportunité pour renforcer leur pouvoir et resserrer l’étau sur leurs peuples illégitimes, n’ayant aucune crédibilité et incapable de faire entendre leur voix sur la scène internationale.
Cependant, les Arabes doivent, selon l’auteur, envisager une lecture prospective de l’histoire au lieu d’adopter une vision régressive, et avoir une vision claire de l’équilibre des forces dans le monde. Ils doivent avoir le courage d’accepter des solutions imparfaites et continuer à lutter pour des valeurs communes. Nos sociétés doivent devenir démocratiques pour surmonter le spectre du sous-développement, de la corruption et de la répression. Ben Ammar rappelle que l’ancien président tunisien Habib Bourguiba avait une vision intelligente, soutenant fermement les Palestiniens face à l’occupation tout en adoptant le principe de réalité. Cette approche peut servir de modèle international pour sortir de l’impasse actuelle.
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